Homélie de Pâques 2015
à partir de l'évangile de S.Jean 20, 1-10 , par Raymond, votre Curé
Quand en ce vendredi de ténèbres,
Marie-Madeleine et Jean avaient assisté ensemble, impuissants, à la mort atroce
de Jésus sur la croix des maudits, ridiculisé par les responsables religieux du
Peuple de Dieu,
Trahi, abandonné par les siens
et apparemment par Dieu lui-même,
c'était la fin douloureuse de
leur ami le plus cher,
mais aussi la retombée
définitive de ce grand souffle d'espérance qui les avait entraînés à le suivre.
Le Mal de l'humanité, la mort
inconsolable...tout serait comme avant:
le Royaume de l'Amour qu'il annonçait n'était donc
qu'une utopie !
Sans même pouvoir achever les
rites funéraires, on avait dû déposer leur bien-aimé dans un tombeau proche.
Tôt, dès la fin du grand
sabbat de la Pâque juive,
Marie-Madeleine (Jean focalise
l'attention sur elle) avec quelques femmes se rend donc au tombeau : elles
veulent finaliser, comme il se doit, l'embaumement du cadavre de Jésus, et
faire leur deuil en quelque sorte ; leur seule préoccupation :
« Qui roulera la lourde meule de pierre qui scelle le
sépulcre ? »
« Il fait encore
sombre », dans leur cœur aussi.
Or, stupeur : « le
tombeau est ouvert !» C'est qu' « on a emporté le corps
de Jésus ! » Même cela leur est enlevé.
Pas la moindre idée d'une
quelconque résurrection !
Elles sont tétanisées ;
seule « Marie-Madeleine court alerter Simon-Pierre et le disciple bien
aimé ».
«Qu'a-t-il bien pu se passer,
qui aurait osé ? » : « et ils courent eux aussi vers le sépulcre. »
Et ici, Jean raconte son
expérience sur le vif :
Plus jeune, porté sans doute
par son amitié pour Jésus, «il court plus vite et il arrive le
premier » ; un coup d'oeil dans le tombeau : vide !
Sauf le linceul...
Simon-Pierre, tout essoufflé,
arrive à son tour. C'est le responsable du groupe des disciples : Jean
« le laisse entrer le premier » : c'est à lui de faire le
constat ! « Le linceul est resté là à plat sur la banquette
funéraire, et le linge qui recouvrait le visage est roulé à sa place... »
Rien de hâtif donc :
voilà exclue l'hypothèse d'un rapt du corps ! D'ailleurs, on aurait enlevé
le cadavre dans son linceul !
Pierre ne voit pas plus
loin : traumatisé par la mort brutale de Jésus et sans doute, par sa
propre défection ;
la perspective d'une
'résurrection' ne l'effleure même pas.
Jean – le disciple de cœur-
(que nous sommes appelés à devenir) « entre à son tour dans le
sépulcre ; il voit ce qu'a constaté son aîné, et pour lui, les signes
parlent : « il vit, et il crut ».
Bien sûr, de soi le tombeau
vide (un fait que même les adversaires ne contre diront pas) et les autres indices ne suffisent pas à
conclure à une improbable résurrection...
Mais l'amour a de ces
yeux ... et il a de la mémoire.
Ainsi l'affinité de l'amour
avec ceux qui nous ont quittés, à partir d'une rencontre, d'une photo, d'un
souvenir -insignifiant pour d'autre- nous laisse deviner quelque secret de leur
personnalité...
Pour Jean, certaines annonces
des prophètes concernant le Messie, et celles de Jésus lui-même à propos d'un
surgissement de sa mort, remontent à la conscience. Et aussi tout un vécu de
paroles fortes, de signes de relèvement (le jeune homme de Naïm, la fille de
Jaïre, Lazare...) ; la manière qu'avait Jésus de prier, de parler de Dieu
comme son 'Abba bien-aimé' comme il osait l'appeler ; ses silences aussi
et la dignité de sa mort jusqu'au pardon de ses bourreaux, tout cela prenait un
sens nouveau. « Il vit, et il crut !»
Pour Marie-Madeleine, trop
enfermée dans son deuil, comme pour Pierre et les autres disciples, comme
Thomas, il sera plus difficile d'accepter l'impensable (heureusement pour nous
en quelque sorte!).
Il faudra que la Présence du
Ressuscité soit assez réelle, incontestable, plus forte que le fait de la mort
absurde de la croix, pour qu'il ne leur soit plus possible de s'opposer à cette
réalité si nouvelle : Jésus a traversé la mort !
C'est bien lui qui se
révèle à eux, mais autrement : il est passé avec son humanité dans la pleine Vie de Dieu, dans une nouvelle
manière d'exister, d'être homme ! Et c'est de là, de cet au-delà qu'il se
manifeste à eux !
Ils le comprendront peu à
peu : plus rien décidément ne sera comme avant !Ce qui s'est
passé en Jésus-si solidaire de nous- c'est comme une mutation qualitative, une « création
nouvelle » : une nouvelle possibilité d'être homme ou femme dans
notre communion à Dieu, à lui, le Seigneur Jésus. L'aventure humaine ne va pas
à son impasse, elle n'est pas absurde ! Et la nôtre, non plus !
Saint Paul nous le rappelle
dans l'épître qu'il adresse aux chrétiens de Rome :
depuis notre baptême et
moyennant notre foi (cette confiance du cœur), nous sommes déjà chacun,
chacune, en communion de v
ie avec Jésus en son 'passage'
par la mort vers la pleine Vie de Dieu : « nous vivrons avec
lui » vous et moi, et dès à présent, nous sommes avec lui « Vivants
pour Dieu ». Et c'est aussi« pour que nous menions une vie
nouvelle ! »
Bien sûr ! Des épreuves
parfois lourdes pèsent sur notre existence, mais dans la lumière du Ressuscité,
elles peuvent-si nous le voulons- prendre sens. Et même si les temps sont
difficiles, nous sommes appelés à poser sur le monde, sur notre vie et sur
celle des autres, un regard d'espérance : au-delà de nos découragements,
de nos fatalismes, de notre péché, nous pouvons inventer des chemins vers plus
d'amour, de confiance ; vers des relations nouvelles avec ceux-là même qui
nous font peur, que nous considérons comme 'étrangers'.
Car il ne suffit pas de donner
au Ressuscité une foi platonique, résignée ; il nous appelle à témoigner
de lui, d’abord par notre amour vécu et notre joie d''être des « vivants-avec-lui »,
des sœurs et des frères avec lui et entre nous.
Seigneur Jésus, que ton Esprit
nous mette au diapason de ce que nous célébrons aujourd'hui : qu'il fasse
de nous des chrétiens de Pâques ! Votre curé,
Raymond
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