Homélie de Pâques 2016
à partir de l'évangile de Luc 24, 13 s
Quelle débâcle intérieure ont vécu les disciples de
Jésus !:
jusqu'à la Joyeuse entrée du Christ dans la ville de Jérusalem
et jusqu'à la purification spectaculaire du Temple, ils avaient pu croire qu'il
allait enfin manifester sa puissance de Messie.
Or,cet espoir sur lequel ils avaient tout misé, s'était
totalement écroulé :
ils avaient vu leur Messie humilié, rejeté hors de sa ville,
abandonné des foules qui quelques jours auparavant l'acclamaient ;
ils l'avaient vu -de loin- cloué sur la croix des esclaves,
haletant son dernier hoquet de mort !
Il ne s'était même pas défendu !
C'en était bien fini ! « Et nous qui espérions
qu'il serait le libérateur d'Israël !»
Nous imaginons la profondeur du désarroi des amis de
Jésus ;
nous pouvons d'autant mieux mesurer leur difficulté
ultérieure à le reconnaître ressuscité.
Déjà saint Marc le fait pressentir : quand Pierre, Jacques
et Jean redescendent de l'expérience fulgurante de la Transfiguration, Jésus
leur recommande de n'en rien dire 'jusqu'à ce qu'il soit ressuscité d'entre
les morts '; et eux s'interrogent « Que peut bien signifier
'ressusciter d'entre les morts'».
Et nous aussi nous nous posons cette question !
C'est qu'il s'agit d'une tout autre réalité que ces signes de
vie accomplis par Jésus à Naïm, à Capharnaüm ou à Béthanie : là un mort
est rendu à la vie humaine au terme de laquelle il devra tout de même mourir.
La Résurrection de Jésus est d'une tout autre réalité :
en son mystère de Pâques, Jésus passe -avec son humanité et en notre nom à
tous- vers Dieu qui est plénitude d'Amour et de Vie impérissable.
C'est une sorte de mutation, de saut qualitatif vers une
nouvelle manière d'être homme ou femme : Jésus inaugure pour nous, pour
toute personne humaine, la possibilité d'exister en plénitude : il nous
ouvre un Avenir d'un genre neuf, définitif.
Et cette SUR-VIE -avec le Christ- c'est notre vocation à
tous !
Mais c'est tellement inédit dans l'expérience des disciples
(et dans la nôtre) !:
aucun n'avait pensé
à un Messie crucifié ;
comment après cet
abîme, le reconnaître dans un mode d'existence
proprement divin ?
Le fossé est trop profond ! Et à chaque rencontre avec
le Ressuscité les disciples d'abord hésitent, doutent, ne le reconnaissent pas.
Et il faudra au Seigneur Jésus beaucoup de patience, de
doigté, des signes qui leur parlent de lui, pour leur faire accepter
l'incontestable Réalité, aussi incontestable que sa mort sur la croix.
Heureusement pour nous !
C'est ce qui est arrivé à Cléophas et à son compagnon
anonyme (nous pouvons ainsi , vous et
moi, nous y identifier)
Ces deux-là ont démissionné : ils rentrent chez
eux !
Ils tournent le dos à cette Jérusalem maudite : ils
cheminent vers Emmaüs (Imwas), vers l'occident
où le soleil de leur espoir va bientôt sombrer dans la mer.
Et voici qu'un 'Etranger' les a rejoints dans leur détresse,
et il « marche à leur côté » ; « mais leurs yeux
étaient aveuglés ».
Nous-même dans nos moments de déprime, de deuil ,
d'échec, souvent nous ne le reconnaissons pas : pourtant il est là
discret, il marche à nos côtés ; comme pour les deux disciples, il nous
invite à lui dire les motifs de notre souffrance, à vider notre sac
d'amertume...Et Jésus nous écoute !
Les deux compagnons déversent ainsi le trop plein de leur
tristesse:ils racontent de long en large à Jésus « ce qui le
concernait » (et que lui ne connaît que trop bien ! Comme une
petite pointe d'humour dans ce récit de Pâques !)
« ...et voici le troisième jour qui passe...oui,
quelques femmes de notre groupe sont allées au tombeau et l'ont trouvé vide...,
et certains d'entre nous (il s'agit de Pierre et Jean) l'ont constaté à leur
tour, mais lui, ils ne l'ont pas
VU ! »
Et Jésus ne se donne pas à VOIR, à reconnaître trop
brusquement : ils ne sont pas prêts !
« Que votre cœur est lent à croire ! »
et à la lumière de quelques passages des Ecritures juives (du
prophète Isaïe notamment), il leur fait découvrir le SENS des
événements... et le courant passe. (on
aurait voulu être là : c'est à écouter Jésus qui nous parle par les
Ecritures bibliques que l'on peut en découvrir le fil d'or...qui aboutit à
lui);;;et « notre cœur en devient tout brûlant ! »
Arrivés à Emmaüs, « Jésus fait mine d'aller plus loin ».
En réalité, il va plus loin : il va vers le Père:il
appartient désormais -avec son humanité- à l'intime communion de son
Père ; il ne sera plus présent de
la même manière : il nous vient, nous advient 'd'Ailleurs'.
A l'invitation pressante des deux disciples : « Reste
avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse » (cette
prière que les plus âgés d'entre nous peuvent lui redire),
« Jésus entre » dans l'auberge (l'Eglise?)
« pour rester avec eux » .
A table, « il prend le pain, dit la bénédiction,
rompt le pain et le leur donne » : des gestes bien à lui, qui
parlent de lui, du don de sa vie pour eux...l'Eucharistie...
« Alors, leurs yeux s'ouvrent ; éblouis, ils
le reconnaissent »
mais s'il « disparaît à leur regard », il
restera avec eux, avec tous les siens, avec nous aussi, « jusqu'à la
fin des temps ».
Reconnaître Jésus, le Vivant, c'est aussitôt aller
communiquer la bonne nouvelle (l'évangile), la seule grande nouveauté arrivée à
notre humanité :
« à l'instant-même, ces deux-là remontent vers
Jérusalem » , la Cité de leur espérance désormais ; vers l'Orient
où le Soleil de la Vie s'est levé.
Ils y rejoignent la communauté des autres disciples, et là,
les témoignages se recoupent : « oui, il est vivant
Jésus ! Il est apparu à Pierre ».Et soudain, en ce premier soir
d'une ère nouvelle, le Ressuscité « se tient là, au milieu d'eux. 'la Paix soit avec vous !' et il se
donne à reconnaître aux plaies de sa Passion, aux signes de son amour blessé
pour eux.
Et d'emblée, il leur confie de continuer sa propre
mission : faire émerger en ce monde-ci le 'Royaume de Dieu', un monde
réconcilié dans l'amour : « Jésus envoie sur eux son
Souffle:recevez l'Esprit Saint, les péchés seront pardonnés à ceux à qui vous
les remettrez... ».(évangile de saint
Jean 20, 22)
L'Eglise des apôtres sera, devra être, le Visage de la
Miséricorde, de l'Amour passionné de Jésus, de Dieu pour tous.
Et toi, Seigneur ressuscité, fais-nous la grâce de te
reconnaître Vivant de Dieu au milieu de nous ;
et malgré nos épreuves et nos inquiétudes de ces jours de
violence, garde-nous dans ta Paix, dans la profonde joie de Pâques,
qu'avec tous nos sœurs et frères de par ce monde en difficile
gestation, nous puissions dire bien haut : « Oui, Christ est
ressuscité, il est vraiment ressuscité ! » Père Raymond
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