L'Évangile de ce jour nous donne les dernières paroles de Jésus adressées à un homme
avant sa mort. La dernière phrase qu’il prononça sera adressée à son père dans un
ultime cri de souffrance en disant :
« Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »
Mais donc, les dernières paroles que Jésus adresse
à un homme sur la terre sont :
« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu
seras dans le Paradis. »
Cette parole, cette attitude de Jésus à l’égard d’un homme condamné
révèle clairement l’identité profonde du Christ. Il montre là en une attitude,
et en une phrase qui il est et quel est son pouvoir.
Aux oreilles des Juifs, ce qu’il ose dire là, est évidemment
inadmissible, blasphématoire, car Jésus affirme avoir le pouvoir de pardonner
les péchés, et le pouvoir de donner le salut, lesquels pouvoirs sont d’ailleurs
intimement liés.
Pour les Juifs, le pardon des péchés, et le salut
étant bien entendu strictement réservés à Dieu seul. Et donc, se faisant, Jésus
dévoile également sa nature divine.
Ce que je trouve inouï dans l’enseignement du Christ, c’est que ces
pouvoirs divins qu’il révèle par sa vie et dans ses paroles, ne sont pas une
appropriation, mais la mise en marche d’une transmission du pouvoir jusque-là
réservé à Dieu seul, à l'Église et pour l’humanité tout entière.
C’est pour moi véritablement la clé de notre foi
chrétienne, celle qui fait du christianisme une religion à part. Jésus est
l’acteur de cette transmission de la divinité à l’humanité.
Cette transmission est d’ailleurs on ne peut plus explicitement exprimée dans
l’enseignement du Christ : il donne à son Église mission de pardonner et de
sauver l’humanité en disant à Pierre :
Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout
ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu
auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Ce n’est pas l’Église seule qui deviendrait Dieu, mais bien
l’action de Dieu par l’Esprit-Saint qui prolonge par son Église l’action du
Père et de Jésus son fils au milieu du monde.
Cette figure du bon larron est très vénérée dans la spiritualité
orientale, et me paraît sous-estimée chez nous. Cet exemple d’une personne qui a
complètement raté sa vie, qui est condamné, qui dans les derniers instants
avant de mourir exprime simplement son espérance d’être sauvé, sans avoir le
moindre espoir de pouvoir prouver sa bonne foi, et qui en une phrase va
recevoir l’assurance définitive, irrémédiable, inconditionnelle d’entrer le
jour même dans le royaume de Dieu est quand même stupéfiant. Comment
pourrions-nous nous-même douter de cette volonté de Dieu de nous attendre avec
impatience dans son royaume, alors qu’il l’offre à un bandit quelques
instants avant sa mort ?
La figure du bon larron a pour moi un peu le même effet que cette belle
prière, très populaire, du “je vous salue Marie” qui se termine par ces mots “
Sainte-Marie, mère de Dieu, priez pour nous maintenant
et à l’heure de notre mort”. Imaginez-le nombre de fois que des croyants
demandent à la Mère de Dieu de prier pour eux “à l’heure de notre mort”. Nul
doute que cette accumulation de prières resurgit au dernier moment avant de
mourir, et qu’elle a pacifié bien des angoisses chez les croyants au moment où s’approche la
fin de notre vie terrestre.
La vénération du Saint bon larron produit le même effet, toute notre vie
nous voyons comment Jésus n’est pas venu pour nous juger, pour nous accabler,
ça les hommes s’en chargent, y compris nous-mêmes, Jésus n’est pas venu pour nous juger, mais pour
que par lui nous soyons sauvés.
Saint Paul exprime admirablement cette vocation du ministère du Christ
dans sa lettre aux Colossiens que nous avons entendue, cet extrait pourrait
d’ailleurs être considéré comme l’un des premiers credos de l’Eglise.
Il nous dit que nous avons part à l’héritage des
saints, que nous sommes arrachés au pouvoir des ténèbres, que nous sommes
placés dans le Royaume de son fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption,
le pardon des péchés, et il conclut en disant :
Dieu a jugé bon
qu’habite en lui toute plénitude
et que tout, par le Christ,
lui soit enfin réconcilié,
faisant la paix par le sang de sa Croix,
la paix pour tous les êtres
sur la terre et dans le ciel.
Voilà la bonne nouvelle que nous sommes chargés de
transmettre autour de nous :
Nous étions esclaves de notre péché, Dieu vient
nous en libérer et nous acceuille comme ses propres enfants.
Nous étions condamnés à n’avoir comme seule perspective que notre mort, et il
vient nous sauver en nous introduisant dans son royaume pour l’éternité.
Voilà la bonne nouvelle qui justifie notre action
de grâce en célébrant cette eucharistie.
Puisse maintenant et pour toujours se graver en notre cœur
cette parole que Jésus adresse au bon larron comme un gage de notre salut :
« Amen, je te le dis :
Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Amen.
par Jacques Bihin, diacre
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