Homélie
de Toussaint 2016
Heureux …
heureux, voilà un mot qui résonne particulièrement bien à nos oreilles. Heureux, un mot dans
l’air du temps. Un mot que l’on retrouve décliné de diverses façons à travers
livres et articles pour nous donner les
mille et une recettes pour être heureux, en
nous proposant stages de relaxation, coaching, journée de bien-être en
entreprise. Il y a comme une sorte d’injonction “sois heureux” comme si en ces
temps plus troublés, c’était ce qui devait donner sens à nos existences. Le
bonheur est devenu un sujet ou plutôt un objet de société.
Que disons-nous
lorsque nous souhaitons, bien légitemement d’ailleurs, une vie heureuse aux
jeunes mariés, lorsque nous dirons bientôt (enfin presque) “heureuse année
2017”?
Bien souvent le
bonheur que nous souhaitons à nos enfants, à nos amis est, en tout cas pour ma
part, un bonheur fait de prospérité matérielle, de réussite sociale, de
promotion humaine, le bonheur d’une vie sans accroc de santé, sans violence.
Même s’il nous arrive aussi de souhaiter douceur, tendresse, paix, et tout cela
est bon … nous restons souvent dans un point de vue individuel voire
matérialiste.
Est-ce cela le
bonheur que nous propose l’Evangile? Jésus renverse les perspectives (heureux
ceux qui pleurent, ceux qui sont persécutés …). Il y a un paradoxe des
béatitudes. Jésus annonce une manière étonnante de vivre ici et maintenant. Il
nous dit que dans la pauvreté, le deuil, la tristesse, il nous accompagne et que
dans nos fragilités, nous sommes signes du royaume. Il nous offre une charte du
vivre ensemble mettant au centre la préoccupation de ceux qui n’ont pas accès
du bonheur, il nous propose de découvrir la profondeur de la joie, d’être à
nous-même et aux autres.
A travers cet
appel, ces paroles, Jésus nous invite à
être proche de tous ceux que la vie a malmené et aussi à oser nous engager à
contre courant, à nous mettre debout. Répondre à cet appel, c’est en recevoir
les fruits … mais aussi l’inconfort.
Le terme
“heureux” employé dans l’évangile vient du terme grec MAKARIOÎ qui peut se
traduire par heureux ou joie, mais il renvoie aussi à la traduction d’un mot
hébreu ASHREI dont la racine exprime une dynamique, un mouvement plutôt qu’un
état, “avancer avec bonheur” . Il nous indique un chemin de sens!
En marche, allez
de l’avant … C’est tout sauf un bonheur facile et douillet.
Heureux
les pauvres de coeur,
Les
pauvres en esprit,
Ceux
qui cherchent le souffle.
Le
royaume des cieux est à eux
(non
pas dans un futur … mais dans l’aujourd’hui de ce Royaume
déjà
là et toujours en promesse).
En
marche ceux qui pleurent,
Heureux
les doux, les compatissants,
Tous
ceux qui ne se laissent pas enfermer
dans leur certitude,
Ceux
que le deuil afflige.
Qu’ils
se mettent en route les non violents,
Les
miséricordieux ,
ceux
qui ont faim et soif de justice,
…
ils seront rassassiés,
ils
obiendront miséricorde,
ils
seront appelés fils de Dieu.
Quel superbe
programme … oui bienheureux sommes-nous? Et peu ou prou nous essayons de le
suivre.
… Mais
sommes-nous capables de le vivre jusqu’à la radicalité des derniers versets,
ceux qui nous dérangent?
Heureux
ceux qui sont persécutés pour la justice,
heureux
si l’on vous insulte,
si
l’on vous persécute
Et
si l’on dit toute sorte de mal
À cause de moi .
Réjouissez-vous
Et
soyez dans l’allégresse
Car
votre récompense
Est
grande dans les Cieux.
C’est ainsi qu’on a persécuté
C’est ainsi qu’on a persécuté
Les
prophètes qui vous ont précédés.
Pour comprendre
ces versets, il faut réaliser que les béatitudes sont aussi et peut-être
d’abord à lire à travers la vie de Jésus; en découvrant la cohérence entre ce
discours (sur la montagne, c’est-à-dire au plus près de Dieu, au lieu de la loi
d’un amour toujours offert) et les actes concrets posés par lui à chaque instant,
la cohérence entre ses paroles et ses actes, la cohérence de sa vie tout
entière ouverte aux autres et au Tout Autre. Jésus nous invite à cette
cohérence dans notre vie.
Dans un groupe où nous avons étudié ce
texte, nous avons actualisé ces versets pour qu’ils nous soient plus
directement adressés :
Mes
amis,
Mes
disciples,
Allez
de l’avant,
Qu’on
vous insulte ou qu’on vous méprise,
Qu’on
vous persécute ou qu’on vous calomnie
A cause de votre fidélité
A la parole que je vous ai partagée.
Oui,
Gardez
votre élan,
Gardez
votre jubilation en elle.
Alors,
Alors,
La
joie du royaume d’amour vous habitera.
Attention, Jésus
nous invite bien à la joie et au bonheur, mais il nous invite à donner
priorité, comme lui, à ceux qui pleurent, à ceux qui sont fragiles. Jésus ne
nous dit pas de chercher les persécutions, il nous demande de vivre selon sa
parole et il nous averti qu’en des
temps troublés, cela peut nous mener à être rejeté, voire persécuté (ces temps
troublés du début du christianisme mais encore aujourd’hui dans le monde).
Les béatitudes
sont un appel à devenir pleinement humain. C’est un appel pour que jamais ne
soit méprisée la dignité silencieuse des pauvres, des exclus, un appel à être
des passionnés d’engagement . Cet appel part du passé (les prophètes), traverse
le présent, l’aujourd’hui et nous porte dans l’au-delà.
En ce jour de
Toussaint, c’est toute cette humanité là, ces marginaux là, connus ou inconnus,
que l’on fête. Les saints et les saintes sont des traces de Dieu au coeur de
notre monde. Ce sont des hommes et des femmes comme nous, avec leurs fragilités
et leurs folies qui, à la suite de Jésus, se sont engagés sur le chemin des béatitudes.
Nous fêtons les passionnés d’engagement, les anonymes saints de tous les jours.
Bonne fête à
tous ceux que nous aimons et qui ont déjà rejoint la plénitude du Royaume.
Bonne fête donc à tous ceux qui nous ont précédé sur le chemin.
Bonne fête donc à tous ceux qui nous ont précédé sur le chemin.
Bonne fête de
l’appel à chacune et chacun d’entre nous … que le Seigneur soit sans cesse
notre compagnon de route et qu’il nous fortifie par son Esprit.
Oui, nous sommes
invités à être en marche, c’est-à-dire à faire partie de la foule immense de
ceux qui ont choisi de s’engager à la suite du Christ, pour lui, à cause de lui
pour que le Royaume soit déjà là, en germe aujourd’hui et que par là nous
entrions dans la plénitude promise.
Danielle
Letier – De Bie
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