mardi 13 décembre 2016

Homélie de Toussaint 2016

Homélie de Toussaint 2016


Heureux … heureux, voilà un mot qui résonne particulièrement  bien à nos oreilles. Heureux, un mot dans l’air du temps. Un mot que l’on retrouve décliné de diverses façons à travers livres et articles  pour nous donner les mille et une recettes pour être heureux, en  nous proposant stages de relaxation, coaching, journée de bien-être en entreprise. Il y a comme une sorte d’injonction “sois heureux” comme si en ces temps plus troublés, c’était ce qui devait donner sens à nos existences. Le bonheur est devenu un sujet ou plutôt un objet de société.

Que disons-nous lorsque nous souhaitons, bien légitemement d’ailleurs, une vie heureuse aux jeunes mariés, lorsque nous dirons bientôt (enfin presque) “heureuse année 2017”?

Bien souvent le bonheur que nous souhaitons à nos enfants, à nos amis est, en tout cas pour ma part, un bonheur fait de prospérité matérielle, de réussite sociale, de promotion humaine, le bonheur d’une vie sans accroc de santé, sans violence. Même s’il nous arrive aussi de souhaiter douceur, tendresse, paix, et tout cela est bon … nous restons souvent dans un point de vue individuel voire matérialiste.

Est-ce cela le bonheur que nous propose l’Evangile? Jésus renverse les perspectives (heureux ceux qui pleurent, ceux qui sont persécutés …). Il y a un paradoxe des béatitudes. Jésus annonce une manière étonnante de vivre ici et maintenant. Il nous dit que dans la pauvreté, le deuil, la tristesse, il nous accompagne et que dans nos fragilités, nous sommes signes du royaume. Il nous offre une charte du vivre ensemble mettant au centre la préoccupation de ceux qui n’ont pas accès du bonheur, il nous propose de découvrir la profondeur de la joie, d’être à nous-même et aux autres.

A travers cet appel, ces paroles,  Jésus nous invite à être proche de tous ceux que la vie a malmené et aussi à oser nous engager à contre courant, à nous mettre debout. Répondre à cet appel, c’est en recevoir les fruits … mais aussi l’inconfort.

Le terme “heureux” employé dans l’évangile vient du terme grec MAKARIOÎ qui peut se traduire par heureux ou joie, mais il renvoie aussi à la traduction d’un mot hébreu ASHREI dont la racine exprime une dynamique, un mouvement plutôt qu’un état, “avancer avec bonheur” . Il nous indique un chemin de sens!
En marche, allez de l’avant … C’est tout sauf un bonheur facile et douillet.

Heureux les pauvres de coeur,
Les pauvres en esprit,
Ceux qui cherchent le souffle.
Le royaume des cieux est  à eux
(non pas dans un futur … mais dans l’aujourd’hui de ce Royaume
déjà là et toujours en promesse).

En marche ceux qui pleurent,
Heureux les doux, les compatissants,
Tous ceux qui ne  se laissent pas enfermer dans leur certitude,
Ceux que le deuil afflige.



Qu’ils se mettent en route les non violents,
Les miséricordieux ,
ceux qui ont faim et soif de justice,
… ils seront rassassiés,
ils obiendront miséricorde,
ils seront appelés fils de Dieu.

Quel superbe programme … oui bienheureux sommes-nous? Et peu ou prou nous essayons de le suivre.
… Mais sommes-nous capables de le vivre jusqu’à la radicalité des derniers versets, ceux qui nous dérangent?
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
heureux si l’on vous insulte,
si l’on vous persécute
Et si l’on dit toute sorte de mal
À cause de moi .
Réjouissez-vous
Et soyez dans l’allégresse
Car votre récompense
Est grande dans les Cieux.
C’est ainsi qu’on a persécuté
Les prophètes qui vous ont précédés.

Pour comprendre ces versets, il faut réaliser que les béatitudes sont aussi et peut-être d’abord à lire à travers la vie de Jésus; en découvrant la cohérence entre ce discours (sur la montagne, c’est-à-dire au plus près de Dieu, au lieu de la loi d’un amour toujours offert) et les actes concrets posés par lui à chaque instant, la cohérence entre ses paroles et ses actes, la cohérence de sa vie tout entière ouverte aux autres et au Tout Autre. Jésus nous invite à cette cohérence dans notre vie.

Dans un groupe où nous avons étudié ce texte, nous avons actualisé ces versets pour qu’ils nous soient plus directement adressés :
Mes amis,
Mes disciples,
Allez de l’avant,
Qu’on vous insulte ou qu’on vous méprise,
Qu’on vous persécute ou qu’on vous calomnie
A cause de votre fidélité
A la parole que je vous ai  partagée.

Oui,
Gardez votre élan,
Gardez votre jubilation en elle.
Alors,
La joie du royaume d’amour vous habitera.




Attention, Jésus nous invite bien à la joie et au bonheur, mais il nous invite à donner priorité, comme lui, à ceux qui pleurent, à ceux qui sont fragiles. Jésus ne nous dit pas de chercher les persécutions, il nous demande de vivre selon sa parole et il nous averti qu’en des temps troublés, cela peut nous mener à être rejeté, voire persécuté (ces temps troublés du début du christianisme mais encore aujourd’hui dans le monde).

Les béatitudes sont un appel à devenir pleinement humain. C’est un appel pour que jamais ne soit méprisée la dignité silencieuse des pauvres, des exclus, un appel à être des passionnés d’engagement . Cet appel part du passé (les prophètes), traverse le présent, l’aujourd’hui et nous porte dans l’au-delà.

En ce jour de Toussaint, c’est toute cette humanité là, ces marginaux là, connus ou inconnus, que l’on fête. Les saints et les saintes sont des traces de Dieu au coeur de notre monde. Ce sont des hommes et des femmes comme nous, avec leurs fragilités et leurs folies qui, à la suite de Jésus, se sont engagés sur le chemin des béatitudes. Nous fêtons les passionnés d’engagement, les anonymes saints de tous les jours.

Bonne fête à tous ceux que nous aimons et qui ont déjà rejoint la plénitude du Royaume.
Bonne fête donc à tous ceux qui nous ont précédé sur le chemin.
Bonne fête de l’appel à chacune et chacun d’entre nous … que le Seigneur soit sans cesse notre compagnon de route et qu’il nous fortifie par son Esprit.

Oui, nous sommes invités à être en marche, c’est-à-dire à faire partie de la foule immense de ceux qui ont choisi de s’engager à la suite du Christ, pour lui, à cause de lui pour que le Royaume soit déjà là, en germe aujourd’hui et que par là nous entrions dans la plénitude promise.


Danielle Letier – De Bie

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