samedi 2 décembre 2017

Homélie du dimanche 29 octobre 2017

30e dimanche Année A       Mt 22, 34-40
Homélie du dimanche 29 octobre 2017


Que dire ? Comment penser à neuf ? … après la proclamation de cet évangile si souvent entendu que même ceux qui fréquentent peu ou pas nos églises le connaissent !

“Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et tu aimeras ton prochain comme toi-même.”

Aimer, cela n’a rien à voir avec quelque chose de doucereux, le “tu aimeras” de l’évangile n’est pas celui des bisounours mais celui d’une exigence qui constitue le coeur de notre humanité et l’ADN de notre foi chrétienne. Ce n’est pas quelque chose de banal.

Je voudrais mettre en évidence quelques éléments qui, pour moi, constitue le trésor de ce texte  pour nourrir notre foi.

L’essentiel peut tenir en une phrase. Jésus nous invite à passer d’une logique du respect de la loi à une logique du don de l’amour.

Un docteur de la loi pose une question à Jésus : “Maitre, dans la loi, quel est le grand commandement ?” Même  si c’est pour mettre Jésus à l’épreuve, cette question est pertinente. En effet, dans la Torah, il y a pas moins de 613 commandements  à observer. Comment dès lors ne pas souhaiter être  guidé vers le plus grand ?

Comme souvent dans ce type de situation (voyez le texte sur la pièce d’argent), Jésus répond en invitant son interlocuteur à déplacer sa réflexion.  Il ne propose pas un mais deux commandements.  Il n’invente pas une loi nouvelle, il reprend exactement les termes de la Torah ( Deut 6,5 – Lév 19,18). Mais, en joignant ces deux commandements séparés dans les écritures, il leur donne une autre dimension. C’est génial ! Cela change tout.

Je reprends le texte. Il y a un premier et grand commandement “ Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton Esprit”
-        de tout ton coeur … c’est à dire de toute ta capacité spirituelle et affective
-        de toute ton âme, c’est à dire de tout ton souffle, de ce qui fait toute ta vie
-        et de tout ton esprit, c’est à dire de toute ton intelligence … ce qui inclus l’intelligence du coeur.


C’est ainsi que nous sommes appelés à aimer – remarquez le verbe n’est pas un impératif . Dans notre traduction en français c’est un futur mais dans le texte original on parlerait d’un inaccompli, c’est à dire d’un présent ouvert sur un avenir illimité. Peu importe que ce soit parfois ou souvent balbutiant. Ce n’est pas un ordre mais une invitation.

Tu aimeras … participant ainsi par notre amour et à notre mesure à ce à quoi nous sommes invités dès l’origine : “créé par Dieu à son image et appelé à sa ressemblance”, nous dit la Genèse.

Il y a un premier et grand commandement et il y a un second commandement et il lui est semblable. C’est là toutela nouveauté. “Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la loi et les prophètes”.

Semblable, c’est-à-dire pas identique (Dieu est tout autre que l’humain) mais absolument lié, indissociable.

On ne peut pas aimer Dieu sans aimer son prochain. Aimer se conjugue dans la re-connaissance de l’autre mais aussi dans l’action.

Non seulement comme le dit très bien le texte de l’Exode à propos de l’immigré, de la veuve, de l’orphelin, du pauvre … “Ne fais pas, n’accable pas, n’agis pas … c’est à dire “Ne fais pas à l’autre ce que tu ne veux pas que l’on te fasse”. On retrouve ici, comme dans de nombreuses civilisations, la règle d’or minimale pour  vivre  ensemble.

Mais Jésus nous dit “ Tu aimeras… “ C’est d’une autre nature que ne pas faire de mal. C’est entrer dans la loi d’amour et de miséricorde de Dieu. Tu aimeras ton prochain, celui de qui tu te fais proche ou qui se fait proche de toi… Ce prochain qui peut être mon conjoint, mon compagnon, mes enfants, mes amis … mais aussi ce prochain lointain et pourtant tellement proche parfois, les immigrés, les sans-domiciles, les réfugiés du parc Maximilien … les hommes, les femmes, les enfants persécutés pour leur foi ou leurs idées.  Quelle invitation exigeante … et quelle confiance de Jésus en l’humanité!

“ C’est de ces deux commandements que dépend toute la loi et les prophètes”

Je souhaite terminer cette  réflexion par quelques mots autour de “tu aimeras ton prochain comme toi-même”.

Ce “comme toi-même” peut être compris de diverses façons. La TOB, dans ses notes, nous dit que “ces mots signifient qu’il faut aimer le prochain totalement, (ce n’est pas faux ) … et qu’il ne faut pas y voir une recommandation à s’aimer d’abord soi-même pour aimer ensuite ou également le prochain”.  Même s’il ne s’agit pas d’une question de préséance, cette interpétation s’est traduite trop souvent, pour beaucoup de ma génération, par : “il ne faut pas s’aimer soi-même” et par là à être dans une attitude de fausse humilité, je ne suis rien, c’est l’autre et l’autre seul qui importe.

Aujourd’hui, à l’époque des selfies et des réseaux sociaux, où l’on montre ses exploits et où parfois on surjoue son bonheur,  il n’est pas plus facile d’être dans une juste relation à soi-même.

Aimer l’autre comme soi-même, ce n’est pas de l’égoisme qui nous est proposé, ce n’est pas l’hypertrophie de l’égo, du moi-je… Bien au contraire cela demande beaucoup d’attention et de clairvoyance pour apprendre à être soi-même. Tant il est vrai qu’on ne peut être dans une vraie relation à l’autre qu’en étant au plus juste avec soi-même. Cela demande de s’aimer en vérité au plus près de notre coeur, de nous aimer avec l’amour inconditionnel avec lequel Dieu nous aime.

Apprendre à s’aimer et aimer son prochain sont deux versants pour apprendre à aimer de la façon la plus juste possible.

Sans doute est-ce un apprentissage lié à notre histoire, à notre éducation,  à ceux   qui,   tout  différent   et   proche,   nous  ont  donné   et  nous   donnent confiance.  C’est  aussi, pour moi, une  question  de foi  qui  nous  permet  de croire que Dieu, le premier, dès l’origine et à l’origine de toute origine, nous aime d’un amour  inconditionnel.

C’est dans cette mesure seulement que nous pourrons aimer notre prochain à  l’image  de  Dieu  mais  aussi  nous  recevoir  prochain  des  autres car être capable  de  recevoir  est   aussi un  acte  d’amour  qui   nous rend proche, un moment où nous devenons prochain.

Seigneur, aide-nous à croire vraiment que, dès l’origine tu nous aimes au-de là de tout et que ta miséricorde est infinie.  A ta ressemblance, tu nous invites à être en paroles et en actes, des semeurs d’amour et de tendresse.

“C’est en ces deux commandements que se résument toute la loi et les prophètes”


Danielle De Bie

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