samedi 30 janvier 2016

Homélie du 17 JANVIER


Semaine de prière œcuménique – Louvain-la-Neuve- N-D d’Espérance - 14 janvier 2016

Lectures
Par le Pasteur  G. Mathieu

Esaïe 62.1-5

1 Corinthiens 12.4-11

Jean 2.1-12 (par moi)



En hébreu, Esaïe (ou Isaïe – iéshaïa) veut dire « Le Seigneur est le salut ». Dans les différentes partie du livre qui lui est attribué, ce prophète vient affirmer que le Seigneur, le Dieu d’Israël, redonne sans cesse à son peuple l’espoir et la vie. Pour comprendre son message, il importe de se souvenir de quelques repères historiques : En 701  avt JC, les Assyriens attaquent Jérusalem et font du Royaume de Juda un royaume placé sous leur domination. Fin du 7e s. avt JC, la domination des Assyriens laisse peu à peu la place à l’empire Babyloniens. Ceux-ci prennent Jérusalem en 587 et déportent une grande partie de la population qui va donc vivre en exil. Mais en 539, le roi des Perses Cyrus va autoriser les populations exilées à rentrer au pays. Il faut alors tout reconstruire. Les versets que nous avons lus au ch. 62 font partie de la 3e partie du livre et annoncent  le retour du peuple dans son pays après une longue période d’exil. Le prophète redit tout l’amour de Dieu pour son peuple et sa volonté de lui assurer un avenir et une espérance. On ne t’appellera plus celle qui est abandonnée. On ne dira plus de toi « c’est un désert de tristesse. Au contraire on t’appellera celle qui plait au Seigneur, la bien-mariée. Ta terre aura en Dieu un mari. Ce n’est pas la première fois qu’Israël est appelé l’épouse de Dieu tout comme l’Eglise sera appelée l’épouse du Christ.


L’existence même d’Israël aujourd’hui, après la destruction de Jérusalem au 1er s de notre ère, la longue dispersion des israélites durant des siècles, le massacre de la Shoa, l’existence de ce pays qui dérange tant de gens aujourd’hui en est un signe fort. Dieu n’abandonne pas son peuple ! Dieu n’abandonne pas son épouse. Il n’abandonne pas non plus l’Eglise qui en est le prolongement.

En disant cela, je me dois d’évoquer nos frères et sœurs des différentes communautés chrétiennes d’Orient qui ces derniers temps sont durement éprouvés. Des milliers d’entre eux ont perdu la vie et des dizaines de milliers ont dû quitter tous leur biens pour tenter de trouver refuge ailleurs. Au cœur de ce drame humain se pose une question : mais où est Dieu ? Aurait-il abandonné ses enfants ? Une chapelle (celle qui se trouve en couverture des livrets de cette semaine pour l’unité des chrétiens) cette chapelle bricolée à partir de bric et de broc, de planches, de plastic, et autres matériaux de fortune, et qui se trouve au cœur de ce qu’on appelle la jungle de Calais nous dit : non ! Dieu n’a pas abandonné son peuple. La Bible nous laisse entendre que le peuple de Dieu (et c’est vrai pour Israël et pour l’Eglise) tantôt s’éloigne de la volonté de Dieu en devenant lui-même persécuteur, tantôt doit traverser de dures épreuves en étant lui-même persécuté. Cependant, Dieu, dans son élan d’amour toujours renouvelé,  rejoint son peuple au cœur de ses égarements pour l’amener au repentir ou au cœur de sa misère et de sa désolation, pour lui redire sa tendresse et le relever, le restaurer. C’est cette grande force et cette grande espérance qui a toujours tenu le Peuple de Dieu à travers l’histoire, même au cœur d’épreuves douloureuses. C’est cette même force de l’Amour de Dieu qui nous permet aujourd’hui de le célébrer ensemble entre catholiques et protestants malgré les guerres du passé.

L’Evangile de Jean nous montre Jésus qui intervient au milieu de noces. C’est très significatif de voir le Seigneur présent dans ce genre de fête et de le voir intervenir pour que la fête ne soit pas gâchée. N’est-il pas lui-même l’époux qui, au moment voulu, invitera les siens à participer aux noces de l’Agneau, ce grand repas de fête dont l’eucharistie est un signe important ? A Cana, il intervient dans cette fête qui célèbre la beauté et la joie d’un amour humain qui unit un homme à son épouse pour qu’ils ne deviennent qu’un. Un amour qu’il offre également à tous les humains pour qu’ils ne fassent qu’un avec lui. A Cana, Jésus s’invite dans la célébration de l’amour humain pour y révéler l’Amour de Dieu. Jésus s’y révèle comme l’époux messianique venu établir avec son peuple une nouvelle et éternelle Alliance (et à ce moment-là on ne parle pas encore d’Eglise). « Comme un jeune homme se marie avec une jeune-fille dit le prophète Esaïe, ainsi celui qui te reconstruit sera un mari pour toi. Comme une jeune mariée fait la joie de son mari, tu feras la joie de ton Dieu » 62.5

Le vin est le symbole de cette joie dans la fête des noces mais on ne peut ignorer que ce même vin signifiera aussi le sang versé de Jésus pour le pardon de nos fautes et pour sceller le pacte d’alliance entre Dieu et notre humanité. On peut ainsi comprendre la réponse de Jésus à Marie, sa mère qui lui demande d’intervenir face au manque de vin. Dans un premier temps, Jésus lui répond : « Mère qu’est-ce que tu me veux ? Ce n’est pas encore le moment pour moi… » En effet, ce n’est pas encore le moment pour Jésus de révéler cet amour qui ira jusqu’au sacrifice de sa propre vie. Ce n’est peut-être pas non plus le moment de révéler qu’il a cette puissance d’accomplir des signes et des miracles. Marie semble savoir que Celui qu’elle a porté en son sein est bien plus qu’un humain ordinaire et que son heure doit venir de montrer qu’il est à la fois fils d’homme et Fils de Dieu. C’est pourquoi, elle n’insiste pas et se contente de dire aux serviteurs : Faites tout ce qu’il vous dira ! Vous serez peut-être surpris d’apprendre que les protestants ont à cœur de se soumettre au seul ordre donné par Marie : « Faites tout ce qu’Il vous dira ! ». C’est un excellent programme de vie mais pas toujours facile à mettre en œuvre.

Finalement, Jésus se décide à intervenir. Il demande à ce qu’on remplisse une jarre d’eau puis dit aux serviteurs : Apportez donc cette eau au responsable du repas. C’est au cours de ce geste simple d’obéissance que la transformation se produit. Ah si nous connaissions un peu mieux la force qui se dégage de notre obéissance au Seigneur. Le responsable du repas ne sait pas ce qui s’est passé en coulisse entre Marie, Jésus et les serviteurs… et il est surpris : « D’habitude, on sert le bon vin en premier pour épater les invité sur la qualité de ce qui leur est servi. Puis quand les gens sont un peu enivrés, on sert la piquette. Mais ici, voilà que la jarre que Jésus a fait remplir contient un premier cru classé (c’est une traduction libre). L’amour que Jésus est venu partager avec nous, ce n’est pas u rafistolage de sentiment, c’est un amour parfait, accompli, capable de transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, capable de faire de nous de nouvelles créatures, remplies de sa grâce et de son amour.

Et l’Eglise est là pour manifester cette grâce et cet amour, là où elle a été placée.  L’apôtre Paul nous dit dans sa première lettre aux Corinthiens : Autrefois vous vous laissiez influencer par des fausses idoles, de fausses espérances mais maintenant vous avez bu du vin de Cana, vous avez été touchés par la grâce, par le Saint-Esprit. Et ce Saint-Esprit qui vous a été donné permet que la diversité des dons qu’il offre produise l’unité, la cohésion de l’Eglise. Ces dons, nous dit Paul, sont donnés pour le bien de tous ! Pas pour qu’une personnalité soit mise en évidence mais pour le bien de tous ! A l’un est donnée une parole de sagesse, à un autre(ou une autre), une parole de connaissance, ou encore une parole de foi. Vous pouvez même recevoir le don de guérison, celui de faire des miracles, celui de parler en prophète ou de discerner les esprits, le don de parler en langues ou encore d’interpréter ce langage étrange. Tout cela est donné pour l’utilité commune. Non pas pour diviser l’Eglise comme cela s’est fait trop souvent, mais pour l’unir dans un seul et même esprit. L’apôtre le dit clairement : c’est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun en particulier comme il le décide.

Chers frères et sœurs, mon travail à la Société Biblique n’était pas lié à une Eglise en particulier. J’ai donc eu l’occasion de visiter plein de communautés de diverses dénominations et cela pas seulement en Belgique mais dans beaucoup de pays du monde. L’Alliance Biblique Universelle est présente dans 147 pays du monde. Je me suis rendu compte que là où règne l’amour de Dieu, là où l’Esprit de Dieu agit (et la dénomination que porte l’Eglise n’y est pour rien), là je retrouvais des frères et des sœurs liés à moi dans une même foi et une même espérance. Nous n’avions sans doute pas une même théologie, mais nous étions unis parce que bénéficiaire d’une même grâce, celle de Dieu manifestée en Jésus-Christ. J’ai participé à une célébration dans une communauté presbytérienne de 40.000 membres à Séoul en Corée, à une célébration de l’Eglise maronite sur les hauteurs de Beyrouth au Liban, celle de l’Eglise apostolique d’Arménie qui a été fondée en 303 dans ce pays et qui a résisté aux persécutions du communisme soviétique et au génocide perpétré par les turcs. J’ai aussi vécu plus récemment des célébrations avec un petit groupe de 6 sœurs trappistines dans un couvent à Chimay. Les célébrations étaient très différentes, tantôt avec une chorale de 200 jeunes accompagnés par un orchestre symphonique, tantôt par un nombre imposant de célébrants aux vêtements liturgiques beaucoup plus colorés qu’une robe pastorale… mais j’y ai perçu une même présence : celle de Jésus-Christ qui aime son peuple, qui le réconforte, qui l’encourage qui lui procure des dons.

L’Eglise est loin d’être parfaite, mais si elle prend vraiment conscience, dans les temps troublés que nous traversons, qu’elle est ce peuple à qui Dieu vient donner son immense amour, ce peuple qui se laisse toucher par la grâce et visiter par le Saint-Esprit, elle deviendra aux yeux du monde le signe fort d’une humanité qui se prépare à une grande fête, à un grand festin à la table d’un roi peu commun qui exerce son autorité par amour, en donnant sa vie pour le Salut du monde. L’Eglise est loin d’être unie malgré les célébrations de la 3e semaine de janvier, mais si elle a le bonheur de goûter au vin nouveau que le Seigneur lui réserve, elle pourra devenir un signe fort du Royaume qui vient où Christ sera Tout en tous. Amen !


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