mercredi 8 février 2017

Homélie Célébration Semaine oecuménique LLN

Célébration œcuménique le 22 janvier 2017 à Louvain-la-Neuve
« Réconciliés en Christ » (2 Co 5.14-20)     par le Pasteur Emmanuel  Coulon.

Lecture : 2 Corinthiens 5.14-20 (TOB 2010)

14 L’amour du Christ nous étreint, à cette pensée qu’un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts.
15 Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.
16 Aussi, désormais, ne connaissons-nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi.
17 Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là.
18 Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation.
19 Car de toute façon, c’était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation.
20 C’est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et par nous, c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu.

Prédication : « Réconciliés en Christ »

I. Préambule

C’est avec un réel plaisir que j’ai accepté l’invitation de Serge à venir partager ce moment particulier avec vous dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Je vous remercie de m’accueillir.
Chez les protestants, 2017 est une année très particulière puisque cela fait 500 ans qu’a eu lieu de début de la polémique au sein de l’Église qui a donné naissance à une nouvelle aile chrétienne. Ce n’est pourtant pas notre vocation chrétienne, bien au contraire. Nous aurons l’occasion de nous en rendre compte dans la méditation de l’extrait de l’épître de Saint Paul aux Corinthiens où il est question de réconciliation.
Nous connaissons probablement tous l’Histoire dont nous sommes héritiers, tantôt avec les dettes historiques, tantôt avec les richesses historiques. Cette histoire comprend cette date du 31 octobre 1517 où Luther, moine augustin, réagit contre

l’Église de l’époque. Doit-on placer cela dans la colonne des dettes ou des acquis ? Certainement un peu des deux. En tout cas cette semaine, dans le cadre d’une rencontre œcuménique, le pape François a souligné que ce qu’avait voulu Martin Luther il y a 500 ans en s’opposant à Rome avait pour objectif de « renouveler l’Église, pas de la diviser ». Et puis il a ajouté : « l’année 2017, qui marque le 500e anniversaire de la Réforme protestante, est une occasion privilégiée pour vivre la foi de manière plus authentique, pour redécouvrir ensemble l’Évangile et pour chercher et témoigner du Christ avec un élan renouvelé »1. C’est également dans cet esprit que je souhaite vivre avec vous cette célébration : nous centrer sur la Parole que Dieu nous adresse pour nous réconcilier avec lui en son Fils Jésus-Christ, de sorte à engendrer une réconciliation entre les êtres humains.

II. Introduction : la défense de l’apostolat de Paul

À présent, attardons-nous sur l’extrait de 2 Corinthiens 5 lu tout à l’heure. Cette partie de lettre de l’apôtre Paul à l’Église qu’il avait fondée se situe à vrai dire dans le cadre de la défense de son apostolat. Certains étaient venus dans l’Église de Corinthe pour semer un esprit de discorde, surtout à l’encontre de Paul et de son enseignement. C’était donc tout le contraire de la réconciliation qui se jouait là. On était plutôt dans la logique du conflit, comme cela arrive aussi dans nos paroisses.
Nous aurions bien entendu beaucoup à dire sur les accusations dont fut victime Saint Paul, ainsi que sur la manière dont il écrit pour confondre ses détracteurs. Une seule homélie ne pourrait suffire à développer ce thème. Par contre, il est possible d’aborder quelques aspects touchant à la réconciliation.

III. Point de départ de la défense de Paul : Christ notre représentant

Le point de départ de la défense de Saint Paul est de réexpliquer brièvement ce que le Père Allo, dominicain que j’apprécie beaucoup, appelle la philosophie de la Rédemption.2 L’apôtre rappelle que l’amour du Christ a consisté à donner sa vie pour que nous puissions vivre. Bien entendu ces paroles nous les connaissons, nous les entendons pour ainsi dire à chaque messe, à chaque culte sous une forme ou une autre. Mais comment les comprendre dans le cadre de la réconciliation ?
_________________________________________________________________
1 Article en ligne dans le journal La Croix publié le 19/01/2017 : http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Vatican/Luther-ne-voulait-pas-diviser-l'Eglise-mais-la-renouveler-affirme-le-pape-2017-01-19-1200818531
2 Père E.-B. ALLO, Seconde Épître aux Corinthiens, Gabalda, Paris, 1937, p.166.
_________________________________________________________________________

Tout être humain expérimente une rupture, une discorde avec son Créateur en raison du péché. Depuis l’aube de l’humanité, elle se manifeste chez tout homme par une volonté d’autonomie vis-à-vis de Dieu, une volonté de chercher un autre chemin de vie sans lui, une volonté de ne pas être son ami. Toutefois, nous n’étions pas appelés à vivre cette inimitié, bien au contraire. Elle est malheureusement devenue une réalité qui pousse sans cesse encore aujourd’hui l’être humain à la discorde, à la mort et une éternité sans Dieu.
Pourtant, malgré cette situation de rupture, Dieu a décidé d’agir. L’homme n’en était d’ailleurs plus capable. C’est donc un pur acte de grâce de l’Éternel. Et l’action du Père consiste en ceci : il a envoyé son Fils de sorte à briser le cercle infernal de l’inimitié entre ses créatures que nous sommes et lui-même, le Créateur.
C’est ainsi que Jésus, Fils de Dieu, s’est fait homme pour endosser la conséquence de la rupture de communion. Il a accepté de livrer sa vie en sacrifice parfait par délégation pour chaque homme dont le péché mérite une condamnation. Le Dieu créateur est Seigneur de justice. Mais il est aussi le Dieu d’amour qui accepte le sacrifice de l’innocent pour la vie de tous. Et cet amour se manifeste entre autres par la résurrection du Christ et la mise à sa disposition de toutes les bénédictions prévues pour les hommes. Un seul a subi le sacrifice au nom de tout être humain. Mais par un seul aussi, tout être humain peut être réconcilié avec le Créateur et ressuscité en Christ, héritier avec lui des bénédictions.
De ce rappel, Saint Paul en tire au moins deux conséquences.

a) Mourir à soi-même et vivre en Christ
Tout d’abord, si Jésus est mort pour tous, nous sommes tous morts de sorte à ne plus vivre pour nous-mêmes. Concrètement dans notre attitude, cela signifie abandonner tout ce qui en nous conduit à l’animosité, la haine, la division. Et désormais, si nous vivons, ce n’est qu’en Christ. Toute notre vie lui appartient. Ainsi donc nous vivons non plus pour nous-mêmes, mais pour ce qui plaît à Dieu comme l’enseigne l’Évangile : aimer Dieu inconditionnellement, et aimer de la même manière notre prochain. (L’apôtre rappelle aussi la mort à soi-même et la vie pour Christ afin d’expliquer sa vocation et la passion avec laquelle il la mène à bien, vocation et passion qui semblaient être objet de critique).

b) Réconcilié avec Dieu en Christ
Et puis deuxième conséquence : le sacrifice de Jésus pour l’humanité et accepté par le Père, comme en témoigne la résurrection, indique qu’en Jésus-Christ nous sommes bel et bien réconciliés avec le Père. En Jésus disparaît l’animosité que l’homme avait développée dans sa quête d’autonomie vis-à-vis du Créateur
puisqu’il est pardonné. À la croix, Christ a fait éclater la séparation existant entre l’homme et Dieu. Et à la place de toute inimitié, Dieu vient mettre en nous une parole de réconciliation. En conséquence, tout qui se revendique du Christ a pour vocation, non la séparation, mais la recherche de l’unité dans la paix et l’amour.

IV. Conclusion : pratiquer la réconciliation

Après ces quelques explications, je termine à présent cette méditation sur une note plus pratique. À mon sens, dans le texte de 2 Corinthiens 5, nous discernons en fin de compte trois niveaux de réconciliation.

a) La réconciliation avec Dieu
Le premier, je viens d’en parler largement, c’est notre réconciliation avec Dieu en Christ. C’est une grâce, un cadeau que nous ne pouvons recevoir qu’en Christ. C’est ce qui nous permet de vivre une nouvelle relation apaisée avec Dieu. L’apôtre Paul en fait le point de départ. Toute autre réconciliation dépendra de la relation que nous avons avec Dieu. Et donc très concrètement la question se pose : voulons-nous mourir à nos désirs charnels et vivre selon les désirs de Dieu comme cela est désormais devenu possible en Christ ? Si ce n’est pas le cas, tout autre niveau de réconciliation est vain, tout au plus des bonnes intentions trop vites remises en cause à la moindre occasion. En revanche, si la réponse est positive, soyons certains que l’Esprit de Dieu suscite en nous un réel désir de profonde réconciliation au-delà de toute difficulté, de désaccord, de différence, et même de temps.

b) La réconciliation avec le prochain
Immanquablement, la réconciliation avec Dieu engendre dans notre coeur le désir de la réconciliation entre chrétiens, et plus encore. C’est le deuxième niveau de réconciliation. On se focalise parfois trop rapidement sur cette réconciliation entre personnes en oubliant qu’elle devient naturelle quand nous apprenons à vivre unis en Christ. Animés par son Esprit, elle ne demande plus un effort extraordinaire. Cela ne veut pas dire que cela soit évident tous les jours. Nous sommes bien sûr déjà vivants en Christ, mais encore dans notre enveloppe charnelle qui trop souvent nous pousse à faire ce que nous ne voulons pas, et à ne pas faire ce que nous voulons, pour paraphraser l’apôtre Paul en Romains (Rm 7.19). Nous ne devons toutefois pas nous décourager puisque c’est désormais Christ qui vit en nous par son Esprit. C’est lui qui est aux commandes et qui, pas après pas, nous conduit naturellement vers des réconciliations avec les autres, à condition bien entendu de lui laisser toute la place.

c) La réconciliation avec soi-même
Finalement, je discerne dans le texte également en filigrane la réconciliation avec soi-même. Elle aussi dépend de notre réconciliation avec Dieu en Christ. Au début, j’ai évoqué l’anormalité de la situation humaine qui avait rompu ses liens avec son Créateur. Cette anormalité est génératrice d’un inconfort intérieur tel qu’il peut engendrer même le suicide. Saint Paul écrit : « si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là » (2 Co 5.17). Vivre en Christ, c’est être quelqu’un d’autre qui ne vit plus cette tension intérieure. Nous avons en lui une nouvelle identité. L’étreinte de l’amour du Christ pour nous va jusqu’à nous renouveler complètement pour être en accord avec ce que nous devons être pour Dieu.
En guise d’exhortation finale : je reprends simplement cet appel de Dieu qui nous est adressé par l’intermédiaire de son apôtre Paul : « Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5.20).
Amen.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire